Mécanismes de défense et stratégies de coping
La gestion des conflits, tensions, risques, échecs, victoires, perçus à l’intérieur et à l’extérieur de soi, mobilise deux types d’opération mentale : les mécanismes de défense et les stratégies de coping.
Les mécanismes de défense : Sigmund Freud (1856-1939), fondateur de la psychanalyse, a progressivement décrit une dizaine de mécanismes de défense (refoulement, régression, sublimation…). Sa fille Anna, dans son célèbre ouvrage « «Le Moi et les mécanismes de défense », en 1936, enrichit les conceptions de son père par des recherches étayées. Avec l’évolution de la psychanalyse, de la psychiatrie et des psychothérapies, de nombreux autres mécanismes de défense ont été exposés. Et, peu à peu, le terme de mécanismes de défense s’est rapproché de celui de coping (faire face).
Les stratégies de coping : processus d’ajustement, d’adaptation, de maîtrise, d’opérations mentales volontaires, par lesquelles le sujet choisit délibérément une réponse à un problème. Richard Lazarus et Susan Folkman (1984) définissent le coping comme « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources d’un individu ».
La notion de mécanisme de défense renvoie à une approche psychanalytique alors que celle de coping renvoie à une approche cognitivo-comportementale.
Les mécanismes de défense sont des processus mentaux automatiques. Ils s’activent de façon inconsciente. Au contraire, les processus de coping sont des opérations mentales volontaires.
Mécanismes de défense et stratégies de coping constituent deux dimensions entremêlées de nos moyens de faire face aux problèmes intérieurs et extérieurs.
La phase d’évaluation
Face à une situation stressante, nous procédons à son évaluation.
L’évaluation est un processus cognitif continu par lequel le sujet évalue de quelle façon une situation particulière peut mettre son bien-être en danger (évaluation primaire), et quelles sont ses ressources pour y faire face (évaluation secondaire).
Lazarus et Folkman distinguent deux formes d’évaluation qui convergent pour définir le potentiel stressant de la situation et les ressources de coping mobilisables :
Evaluation primaire : Le sujet perçoit le risque éventuel. Il se demande quelle est la nature et le sens de la situation et quel impact elle peut avoir sur lui. De sa façon d’évaluer la situation dépendront des cognitions et émotions particulières. Un même événement peut par exemple être évalué par certains comme une perte (corporelle, relationnelle, matérielle…) et s’accompagner de tristesse, de honte ou de colère. Il peut être évalué comme une menace (perte potentielle) et s’accompagner d’anxiété et de peur. Il peut enfin être perçu comme un défi (obtenir un bénéfice) et s’accompagner d’euphorie et de fierté.
Evaluation secondaire : Elle est dirigée vers les capacités de l’individu à gérer l’événement. L’individu se demande comment faire face à la situation, de quelles ressources et de quelles réponses il dispose, et quelle sera l’efficacité de sa démarche. De nombreux choix peuvent être envisagés, comparés et sélectionnés (rechercher des informations, exécuter un plan d’action, demander de l’aide ou des conseils, exprimer ses sentiments, se distraire, minimiser la situation, fuir le problème…). En principe, le sujet pensant disposer de ressources suffisantes pour contrôler la situation utilisera des stratégies visant à affronter celle-ci. Le sujet croyant ne pas pouvoir la maîtriser tentera de se modifier lui-même (réguler ses affects et cognitions) pour mieux la supporter.
Trois types de coping
A partir de l’évaluation primaire et secondaire, le sujet va déterminer les stratégies d’ajustement à la situation, source de stress. Différentes typologies de « coping » ont été élaborées.
Lazarus et Folkman identifient deux types de coping. Le premier, « coping centré sur le problème » est défini comme « les moyens de modifier ou manager la situation ». Le deuxième, « coping centré sur l’émotion » est défini comme « les moyens utilisés pour réduire ou manager la détresse émotionnelle ressentie ».
Marilou Bruchon-Schweitzer et Cousson proposent un troisième type de coping. Il est « centré sur le soutien social ». Or, le soutien social peut remplir, selon les situations, l’un et/ou l’autre type de fonction du coping, c’est-à-dire modifier le problème et/ou l’état émotionnel. De ce point de vue, la recherche de soutien social ne constitue donc pas vraiment un type parallèle, mais une catégorie s’inscrivant dans le modèle de Lazarus et Folkman avec, néanmoins, la spécificité d’impliquer un médiateur social.
Coping centré sur le problème : plan d’action, efforts, se battre pour réduire les exigences de la situation et augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face. Il est adaptatif si la situation est contrôlable. Si elle ne l’est pas, c’est le lâcher-prise qui est adaptatif.
Coping centré sur l’émotion : réguler les tensions émotionnelles induites par la situation, évitement, culpabilité, souhaiter changer, espérer un miracle, auto-accusation. Les stratégies centrées sur l’émotion sont plus efficaces à court terme ou lorsque l’événement est incontrôlable.
Coping centré sur le soutien social : soutien informatif, matériel, relationnel pour obtenir la sympathie et l’aide d’autrui.
Coping passif et coping actif
Il s’agit d’une autre façon de classer le coping.
SULS et FLETCHER (1985) aboutissent à deux grands types de coping :
Stratégies évitantes : distraction, diversion, répression, faible vigilance, attitude défensive, comportement de fuite, d’évitement, d’agressivité, attitudes de déni, de résignation et de fatalisme.
Stratégies vigilantes : efforts comportementaux actifs pour affronter le problème et le résoudre, attention, vigilance, implication, réévaluation, recherche d’information et de soutien social, développement de plans d’action.
Il y a une affinité entre des stratégies passives ou évitantes et le coping centré sur l’émotion. Et Il y a également une affinité des stratégies actives ou vigilantes avec le coping centré sur le problème.
Echelles d’évaluation
Il existe de nombreuses classifications permettant d’évaluer les mécanismes de défense et le coping, soit sous la forme d’auto-questionnaire, de tests projectifs ou de méthodes d’évaluation.
Citons l’importance de :
La Ways of Coping Checklist (WCC). Mesure des stratégies d’adaptation ou d’ajustement mises en œuvre face à une situation stressante.
Le Defense Mechanism Rating Scales (DMRS). A la suite des travaux du psychiatre et professeur américain George Vaillant, Perry (1990) a développé son Echelle d’évaluation des mécanismes de défense. Le DMRS comprend 28 défenses classées en 7 niveaux hiérarchiques.
Psychologie des profondeurs et stratégies d’ajustement
Il est utile, souvent indispensable, pour développer efficacement la personnalité, d’entreprendre l’étude de l’inconscient et des mécanismes de défense, tels qu’ils ont été mis en lumière par la « psychologie des profondeurs ». Les puissances cachées de la personnalité apparaissent alors sous un jour nouveau.
Et un bon moyen d’action sur l’inconscient est fourni par les stratégies d’ajustement.
L’efficacité d’une stratégie d’ajustement dépend des caractéristiques de la situation (intensité, durée, contrôlabilité de l’événement stressant). Ainsi, l’évitement est plus efficace à court terme. Il évite d’être débordé et facilite un travail psychique permettant d’évaluer progressivement la situation, de façon plus réaliste. Il peut éclairer la mise en place des stratégies adéquates. Selon Lazarus et Folkman « un coping centré sur le problème n’est vraiment efficace que si la situation est contrôlable ». Face à un événement incontrôlable, les efforts répétés du sujet sont inefficaces et exténuants.
Le coping doit se concevoir comme une stratégie multidimensionnelle dont la finalité est la modification, soit de la situation réellement menaçante, soit de l’appréciation subjective que le sujet s’en fait et donc de l’affect associé.
François BLANCHET